Patagonie: petite croisière au bout du monde
Qui n’a jamais rêvé de partir au bout du monde, d’atteindre des terres où l’homme ne s’est pas encore imposé et où la nature sera toujours maître? Nous si, bien sûr!
Alors aller à Ushuaia c’est déjà bien, mas lorsque nous avons appris qu’il était possible de poser les pieds sur le dernier petit bout de terre avant le cercle Antarctique, nous avons sauté sur l’occasion. Et nous voilà partis pour une balade tout confort à travers les eaux insoumises du Cap Horn.
De Ushuaia à Punta Arenas
Notre itinéraire était tout tracé. Depuis Ushuaia on devait prendre un bus vers Puerto Natales au Chili, pour y découvrir le magnifique parc Torres del Paine. On avait déjà fait 24 heures en bus pour atteindre Ushuaia et en refaire 12 de plus ne nous enchantait pas trop. Mais on avait pas le choix… à moins que…
Quand on est allé dans une agence de voyage pour acheter les billets de bus on a remarqué qu’il y avait des croisières vers Punta Arenas, à trois heures de route de Puerto Natales. On a interrogé la vendeuse qui nous a expliqué les différentes options et prix sans trop de conviction. Il faut dire qu’on a pas vraiment le profil type du croisiériste auquel elle devait être habituée!
L’option la moins cher a retenu notre attention: 3 nuits en passant par le Cap Horn pour un peu moins de mille dollars par personne. Le prochain départ était prévu pour le lundi suivant, ce qui nous obligeait à rester un jour de plus que prévu à Ushuaia.
On en a discuté pendant des heures, cette option ne nous avait même pas effleuré l’esprit, non seulement c’était hors budget mais en plus on est pas très fan des croisières en générale. Mais là c’était différent, une croisière vers une région sauvage qu’on aura difficilement l’occasion de revoir était vraiment tentant. Et un peu de confort à cette étape de notre long voyage ne nous ferait pas de mal. Le lendemain on est retourné à l’agence acheter nos billets auprès de la même vendeuse clairement surprise de nous revoir!
La croisière ça repose
Lundi 17h30 on embarque dans le Via Australis. Quel bonheur lorsqu’on découvre notre cabine! On adore la grande fenêtre, les lits moelleux et les petites attentions dans la salle d’eau. Ce n’est pas luxueux, mais pour nous c’est un palace! Depuis le temps qu’on enchaînait les chambres basiques et les salles-de-bain communes dans les auberges, on méritait bien un peu de confort pour une fois!
En début de soirée un cocktail est offert pour la présentation de l’équipage, mais on ne restera pas longtemps. Malgré le froid, on préfère être dehors à admirer le paysage au coucher du soleil et à observer Ushuaia s’éloigner lentement lorsque le navire ce met en marche.
On est resté tellement longtemps dehors qu’on a failli rater le début du dîner. Et ça aurait était vraiment dommage car on a très bien mangé!! Il y a des années on a fait une petite croisière de 4 jours au Brésil et on a détesté, les repas ressemblaient à ceux servis dans l’avion, le personnel n’était pas très agréable et l’ambiance bruyante.
Mais cette fois c’était une toute autre histoire. Des repas excellents et copieux, un personnel au petits soins et une ambiance feutré et cosy. On était que quelques dizaines de passagers. Entre les trois gros et délicieux repas par jours et nos lits – véritables petits nuages – qui nous tendaient les bras, on a passé l’essentiel de notre temps à manger et dormir. Re-po-sant, je vous dis!!
Et on fait quoi pendant la croisière?
Bon, je vous rassure, on a pas payé aussi cher juste pour manger et dormir pendant trois jours. Quoi que…
Plus sérieusement il y a au cours de la croisière 4 « débarquements » de prévus et entre chacun, de nombreuses activités sont proposées à bord. On est libre d’assister ou pas à toutes ces activités (y compris les débarquements).
De notre coté entre deux siestes, on a assisté au film documentaire « Expédition Antarctique de Shackleton » (vraiment très intéressant!), on a visité la salle des machines et on est passé faire un petit coucou au capitaine sur la passerelle de commandement.
Mais passons à ce qui nous intéresse vraiment: les sorties.
Le Cap Horn: le bout du monde c’est par ici
Le clou du spectacle, la raison de l’explosion volontaire de notre budget, notre but ultime en embarquant dans ce bateau: poser les pied sur la terre la plus au sud au monde, l’île Horn.
Le débarquement était prévu pour 7h du matin. La veille l’équipage nous avait expliqué que la mer est imprévisible et qu’on ne saurait qu’à la dernière minute si on pourrait débarquer ou pas. Vers 6h30 alors qu’on grignote des biscuits encore à moitié endormis on reçoit la bonne nouvelle: le débarquement se fera comme prévu. On a vraiment eu de la chance car la croisière précédente n’avait pas pu débarquer!
Petit groupe par petit groupe on est transportés sur l’île dans des zodiacs. Les gilets de sauvetage orange ne sont pas très glamour mais ils ne sont pas en option, et puis on découvre qu’ils protègent assez bien contre le vent glacé qui souffle parfois très fort sur ce petit bout du monde.
C’est le moment que j’aime le moins dans les voyages en groupe. Ce moment où on débarque tous au même endroit pour prendre la même photo du même monument. Alors on reste en retrait et on attend que le groupe avance, qu’il prenne de la distance et on fini par se retrouver seuls, ou presque.
Le monument du Cap Horn a été érigé en 1992 en mémoire de tous les marins qui périrent dans la lute contre les forces de la nature dans ces mers australes. Il est formé par deux corps indépendants de 5 plaques d’acier chacun et représente un Albatros. D’après la superstition l’albatros incarne l’esprit des marins pris par la mer.
Une superstition très bien représentée par le très beau poème de l’écrivaine chilienne Sara Vial, inscrit sur une plaque en marbre sur le chemin vers le monument.
Le paysage est splendide. La pluie et le soleil se relaient minute après minute. La lumière change tout le temps et avec elle les couleurs. Des couleurs magnifiques, du jaune saturé au bleu feutré, comment ne pas prendre des photos encore et encore?
On visite la petite chapelle à plusieurs reprises et on parcours les chemins inlassablement. Et quand tout le monde est parti se réfugier au chaud dans le petit phare, nous on se balade encore. On veut en profiter au maximum.
Car le moment de partir arrive vite, trop vite! On est resté à peine 1h30 sur place, mais la croisière a un programme à suivre et il est respecté à la minute près. Comme de vrais rebelles, essayant de résister à l’autorité du temps, on est les derniers à embarquer dans le dernier des zodiacs. Vaincus, on retourne au navire où un bon gros petit-déjeuner nous attend.
Pendant notre sieste (parce que ce n’est pas normal de se lever à 6h du matin!) le bateau poursuit son cours et met cap vers le nord, à destination de notre prochain arrêt.
La Baie Wulaia
Dans l’après-midi on atteint la Baie Wulaia dans le Chenal de Murray, proche de la ville chilienne de Puerto Navarino. Cette baie est d’une grande importance historique. On y’a retrouvé des vestiges datant de presque dix mille ans attestant de la présence de la population indigène Yagan sur ces terres.
C’est également sur cette baie que les Yagan ont eu un premier contact avec les explorateurs européens et c’est encore là que le naturaliste Charles Darwin débarqua lors d’une expédition menée par le commandant FitzRoy.
Mais pour nous c’est surtout l’occasion de faire une petite randonnée jusqu’au point de vue qui nous permettra d’admirer toute la baie. Là encore le spectacle est au rendez-vous, en l’espace d’une heure on aura eu le droit à la neige, à la pluie et au soleil. Les nuages bougent sans cesse à grande vitesse transformant le paysage à chaque instant.
On ne peut pas s’empêcher de rester plus longtemps que prévu et, dans le respect de notre esprit rebelle, on sera encore une fois les derniers à quitter les lieux.
Les Glaciers Piloto et Nena
Au cours de la nuit et de la deuxième journée, la croisière navigue lentement à travers le paysage tout en dentelle du Parc National Alberto de Agostini. Les canaux tortueux traversent les terres isolées, gelées et inhabités qui nous rappellent à quel point cette partie du monde reste sauvage.
Malgré le mauvais temps, le froid et la neige, on ne peut s’empêcher de sortir sur le pont pour admirer l’isolement de ce paysage et recevoir en plein visage la dureté du climat en cette fin d’été austral.
La sortie de la journée sera juste une balade en zodiac pour nous approcher du glacier Piloto dont la magnifique couleur bleu est rendu encore plus intense par le paysage presque incolore qui l’entoure.
Le glacier Nena qui se trouve juste à côté, est beaucoup moins impressionnant, il faut dire qu’il a beaucoup reculé ces dernières années. Mais la proximité de ces deux glaciers nous offre l’opportunité d’observer et de mieux comprendre (avec les explications des guides à bord) les différents types de glace et la formation des glaciers. Petit moment instructif.
Il a fallu tripler les couches de vêtements en plus des imperméables pour supporter le froid et la petite pluie pénible qui nous a accompagné tout au long de cette sortie. Et je dois avouer que ces horribles gilets oranges nous ont bien aidé à avoir moins froid!
Cette sortie a été sans aucun doute la plus difficile de toutes. Le temps n’était franchement pas agréable. La pluie, la neige, le vent et la proximité avec les glaciers nous gelaient les os et nous martyrisaient le visage. Impossible de prendre des photos correctes et sans tâches à cause des goutes qui tombaient sur mon objectif. Pourtant, cette situation n’a pas entaillé notre bonne humeur.
On a jamais été autant à « l’intérieur » du paysage qu’à ce moment là. Dans notre petit bateau au milieux de ce paysage grandiose on se sent minuscules. Et pouvoir tremper les mains dans ces eaux isolées, observer la faune sauvage et savoir qu’il n’y pas d’autres êtres humains à des centaines de kilomètres, c’est une sensation inexplicable et inoubliable!
Et comme si on avait pas été assez récompensé par cette expérience, on est reçu à notre retour sur le bateau par un bon chocolat chaud renforcé par du whisky. De quoi nous coller le sourire au visage le reste de la journée!!
On rend visite aux pingouins sur l’Île Magdalena
Dernière étape de notre croisière, c’est encore au petit matin qu’on s’apprête à débarquer sur l’Île Magdalena ou le Monument naturel « Los Pinguinos », un lieu protégé par l’organisation chilienne de protection de la vie sauvage.
Cette île est utilisée comme lieu de reproduction par des milliers de pingouins, ainsi que par de très nombreuses autres espèces d’oiseaux, ce qui lui confère une importance majeure dans la protection de la vie sauvage de la région.
Lorsqu’on débarque sur l’île on est d’abord impressionnés par le bruit que font les milliers de manchots de Magellan s’étant donné rendez-vous à cet endroit. Puis on est irrésistiblement séduits par ces petits animaux qui se baladent maladroitement autour de nous.
Sur l’Île Magdalena les intrus, les étrangers, c’est nous. Et c’est à nous de rester discrets, et de ne pas sortir du sentier délimité simplement par des cordes afin de ne pas déranger ces petits habitants.
On pourrait passer des heures à les observer. Ils sont tellement près de nous qu’on pourrait les toucher, et ils ne semblent pas du tout dérangés par notre présence.
Mais encore une fois le temps passe trop vite et cette fois c’est pour de bon. La croisière touche à sa fin et on débarquera à Punta Arenas à peine quelques heures plus tard. On y passera un après-midi, juste le temps d’attendre le départ du prochain bus vers Puerto Natales.
Punta Arenas
La ville de Punta Arenas a connu le sommet de sa gloire à la fin du 19ème siècle. C’était alors un important port de ravitaillement pour les bateaux qui traversaient le très dangereux Détroit de Magellan ralliant les océans Atlantique et Pacifique.
Après l’ouverture du canal de Panama (1914) cette route a perdu une grande partie de son importance tout comme la petite Punta Arenas. Mais la ville garde de nombreuses traces de son illustre histoire. Le Palais de Sara Braun reflète parfaitement la prospérité que pouvait atteindre l’élite de l’époque.
Sara Braun était la veuve et héritière d’un richissime entrepreneur portugais qui avait fait fortune dans les activités maritimes. Elle a lancé la construction du palais en 1895, peu de temps après la mort de son époux. Les plans ont été dessinés par un architecte français pour que tout les codes de l’architecture très à la mode à Paris à l’époque soient bien respectés.
Aujourd’hui le palais est ouvert aux visiteurs et on y découvre une décoration luxueuse et une incroyable quantité de détails. Quelques salles du palais sont réservés à une exposition très interessante sur les premiers habitants de la Patagonie, sa découverte par les européens et le processus de colonisation. Le Palais de Sara Braun est vraiment le « must » à visiter lors d’un passage par Punta Arenas.
Il est vrai qu’il n’y a pas grand chose d’autre à voir à Punta Arenas. Mais ça reste une petite ville agréable où passer quelques heures. On peut d’ailleurs y manger très bien dans un des nombreux restaurants qui proposent des plats typiques et pas cher. Une fin très agréable pour un parfait petit voyage au bout du monde!
Avec qui partir : Cruceros Australis Quand partir: d’Octobre à Mars Trajet: entre Ushuaia et Punta Arenas, options de 3 à 7 nuits |